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| (...) En art, la question majeure (ou la question inévitable), a trait sans doute à la façon dont émergent les formes, comment elles prennent peu à peu corps et consistance, mais surtout, comment elles peuvent surgir hors de toute nomenclature raisonnable, hors de toute logique convenue... - Ceci en écartant le cas d'une opportuniste et cynique quête de nouveauté qui trouve très vite sa limite dans la reconduction d'une recette - ... et comment, à partir de formules, de méthodes qui leur sont propres, au sein d'une logique interne nouvelle, elles parviendront à être suffisamment viables pour engendrer - on pourrait dire organiquement - des développements, ouvrir la voie à d'autres séquences qui produiront à leur tour du sens. Si l'on entend régulièrement énoncer, dans le cadre d'une idéologie culturelle immanquablement normative, que l'art consiste à proposer un ordre dans le chaos du monde, ne perdons pas de vue que l'artiste -pour disposer d'une quelconque capacité de proposition-, doit parvenir à franchir les limites de l'ordre établi, à fissurer la chape culturelle qui sans cesse se reforme en calcifiant les nouveaux codes qu'elle vient d'intégrer. Ce qui suppose une singulière aptitude à se placer lui-même dans une situation de déséquilibre, à mettre la norme en crise, à la pervertir pour mieux ensuite la subvertir. (...)
S'il y a poésie, c'est dans les approximations de la prose quotidienne, celle qui nous agite et que nous agitons entre domestique et planétaire. Patrice Carré, en choisissant d'oeuvrer à partir de l'atelier domestique du bricoleur, prend en compte, sans dissimulation, la mesure et la portée de l'acte artistique : l'universel repose toujours sur des données individuelles, et nous parlons toujours à partir d'une condition et d'un lieu. Mais ce faisant, il se met en position de maîtriser le double langage de la réalité de l'objet prosaïque et des conséquences critiques qui peuvent émaner de sa manipulation, tant dans le domaine du grand art que dans celui du politique au sens large du mot. Si l'on en croit Aristote, Archytas de Tarente, grand politique et grand stratège, ne rechignait pas devant le bricolage domestique. (...)
Hubert Besacier : A propos du merveilleux critique, in Patrice Carré, Les yeux, la bouche et les oreilles, Centre d'art contemporain de Basse-Normandie, 1995
Installations, dispositifs et matière sonore
La matière sonore que j'utilise est une sorte de matière plastique transparente!...
Notes diverses
A propos des travaux que je réalise, qui comportent du son et qui, en quelque sorte, intègrent l'espace plastique, on peut reposer la sempiternelle question: est-ce que c'est de la sculpture sonore? Je ne sais pas...Et cela n'a pas beaucoup d'importance.
Curieusement la forme d'un haut parleur fait plutôt penser à un oeil qu'à une bouche.
C'est certainement cette banale constatation qui m'a fait m'intéresser entre autres à l'usage du son dans certaines pièces.
Digression : A la question combien de photographies sont réalisées chaque année sur la planète, je répondrais très certainement des centaines de millions, voire plus.
De la même façon combien de haut-parleurs sont installés chaque année dans des appareils: très certainement des dizaines de millions.
Mais est-ce que le bruit augmente ?
Si l'on consulte le dictionnaire au mot : haut-parleur, il est écrit: « Appareil qui convertit en ondes acoustiques les courants électriques correspondant au son de la parole ou de la musique.» Si par curiosité on regarde le mot qui suit il s'agit de : haut-relief. Sa définition est la suivante : « En sculpture, relief dont les figures sont presque en ronde bosse, presque indépendantes du fond.» Ceci a une certaine importance pour la suite.
En ce qui concerne les installations et dispositifs qui comportent une source sonore, je crois que, ce que je réalise correspond à un moment ou à une sorte d'état de perception que par analogie l'on pourrait ressentir lorsqu'on regarde avec attention la pochette ou la boîte d'un disque vinyle ou CD, que l'on est entrain d'écouter.
Ces contenants, bien au delà d'une simple fonction de protection et d'emballage, désignent et identifient le contenu de ce qui est diffusé (on parlait du concept de la pochette il y a quelques années). Les oreilles et le regard se trouvent simultanément en alerte. Sorte de synesthésie dans un fauteuil...(...) À Lyon, l'ensemble des diffuseurs sonores regroupés sous le titre générique « Le Bruit rose » fait face à un grand mural constitué de marteaux, d'enclumes, et d'étriers.
Ces diffuseurs sonores (enceintes acoustiques) sont sous tensions de leurs amplis. J'associe le souffle qui en émane à ce moment de concentration qui existe juste avant que l'orchestre commence à jouer et juste après qu'il se soit accordé. Très beau moment.
Ces objets de diffusion du son sont proches d'une certaine peinture géométrique et ils sont plus largement liés à une histoire de ce que l'on pourrait appeler: l'art construit. Leur conception essaye de réinterroger la notion d'espace-plan-volume en peinture; la réalité de son épaisseur, jusqu'à son devenir de boîte. Jusqu'à la mise en péril de son caractère sculptural et la mise en péril de la valeur d'usage que l'on accorde à un objet utile, telle une enceinte acoustique.
Pour revenir à l'aspect «boîte», l'introduction des haut-parleurs conduit à une notion de variabilité de la frontalité ». Selon que l'on se situe face aux diffuseurs sonores on aura un point de vue muet. Si une source sonore rend l'objet bavard on aura en plus le « point d'ouïe ». Si le volume de source diffusée reste assez bas, l'artiste allemand Rolph Julius parlerait peut-être de «hauteur d'oreille».
Patrice Carré, in Musique & Arts Plastiques, Musée d'art contemporain de Lyon, Grame, 1998
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| (...) In art the major or inevitable question undoubtedly has to do with how forms emerge, how, little by little, they take on consistency. Above all however, it has to do with how they surge beyond all reasonable nomenclature, and all accepted logic... - by doing away with an opportunistic and cynical quest for novelty which rapidly reaches its limit and becomes a recipe- ... and how, starting with a formula and methods proper to them, at the heart of a new internal logic, they will arrive at being sufficiently valid so as to engender - we could say organically - developments and clear the way for other sequences which will produce meaning in their turn. If, within the context of an inevitably normative cultural ideology, we regularly hear that art consists in proposing an order in the chaos of the world, we shouldn't lose sight of the fact that the artist -in order to dispose of any ability whatsoever to advance propositions- must go beyond the barriers of the established order, create breaks in the cultural slab which incessantly reforms itself by calcifying the new codes it integrates. This presupposesa singular aptitude to placer oneself on one's very own in a situation of disequilibrium, to put the norm in crisis, and pervert it to better subvert it after. (...) If there is poetry, it lies in the approximations of everyday prose, that which agitates us and which we agitate between domestic and planetary. By choosing to work from the home studio of the tinkerer, Patrice Carré takes into account, without dissimulation, the measure and the range of the artistic act: the universal always rests on individual givens and we always speak from a certain condition and place. But in so doing, he places himself in a position where he can control the double talk of the prosaic object's reality and the critical consequences that can arise from its manipulation, this in the realm of Art with a capital "A" as well as the political in the largest sense of the word. If we're to believe Aristotle, Archytas of Tarento, a great politician and strategist, never balked at domestic tinkering. (...) Hubert Besacier : A propos du merveilleux critique, in Patrice Carré, Les yeux, la bouche et les oreilles, Centre d'art contemporain de Basse-Normandie, 1995
Installations, devices and sound material The sound material I use is a kind of transparent plastic material!... Various notes The same question always comes up regarding my works that use sound and integrate, in a cetain sense, plastic space: is it sound sculpture ? I don't know...And it's not very important. Oddly enough, the form of a speaker makes one think more of an eye than a mouth. This banal observation is certainly one reason for which I became interested in the use of sound for certain pieces. Digression: To the question "How many photographs are realized each year on the planet?", I would answer certainly hundreds of millions, maybe more. In the same manner how many speakers are installed into products each year: most certainly tens of millions. But is noise increasing ? If one looks up the word loudspeaker in the dictionary, the definition reads: "A device that converts the electrical currents corresponding to the sound of the voice or music into acoustic waves." The word that follows immediately after is haut-relief. Its defintion is as follows : "In sculpture, a relief whose figures are almost in the round, almost independent from the background." This has a certain importance for what follows. As far as the installations and devices that use a sound source are concerned, I think that what I have realized corresponds to a moment or to a sort of perceptual state one might sense, to provide an analogy, while looking attentively at the cover of a vinyl record or cd one is listening to. These containers, go well beyond the mere function of protection and packaging. They designate and indentify the contents of what is diffused ( much was said about the concept of the record sleeve several years back). The ears and eyes are simultaneously placed in a state of alert. Somehing like synesthesia in an armchair...(...) In Lyon, the ensemble of sound diffusers grouped under the title "Pink noise" faces a large mural consisting of hammers, anvils, and stirrups. These sound diffusers (acoustic speakers) are under the electrical tension of their amplifiers. I associate the flutter that emanates to the moment of concentration just before the orchestra begins playing and just after it has tuned up. Quite a beautiful moment. These objects for diffusing sound are close to a certain form of geometric painting and, in a larger sense, bound to the history of what might be termed constructed art. Their conception attempts to question the notion of space, the plane, and volume in painting; from the reality of its thickness to its becoming a box. This conception endangers sculptural character of the object itself and the use value one grants a useful object, such as an acoustic loudspeaker. Getting back to the "box" aspect, the introduction of loudspeakers leads to a notion of variability as regards frontality. If one sits in front of the loudspeakers one has a mute viewpoint. If a sound source renders the object talkative one will have the "listening point" as well. If the volume of the source diffused remains low enough, the German artist Rolph Julius might speak of "ear level".
Patrice Carré, in Musique & Arts Plastiques, Musée d'art contemporain de Lyon, Grame, 1998
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Techniques et matériaux
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menuiserie / woodworking électricité / electricity peinture / paint éclairage / lighting moyens de production industriels divers / various means of industrial production enregistrements / recordings adaptation aux besoins... / adaptation to needs... béton son moulé | |
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Mots Index
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fantaisie / fantasy ordre/désordre / order/disorder qualité de facture / craftmanship hauts-parleurs / speakers fiction / fiction abstrait / abstract cocotte | |
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champs de références
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Cinéma, dessins animés, télévision :
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L'ensemble de l'oeuvre cinématographique de Jacques Tati
All of Jacques Tati's film work
Les petites marguerites de Vera Chytilova
Les petites marguerites by Vera Chytilova
Certains films de Jean-Pierre Mocky
Some films by Jean-Pierre Mocky
Les Westerns
Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages de Michel Audiard
Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages by Michel Audiard
Les Shadok
Jean Christophe Averty
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Littérature, écrits, bande-dessinée :
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Julien Gracq
Gustave Le Rouge
Jean-Bernard Pouy
Jules Romain
Richard Brautigan
Sade
Georges Perec
Robert McLiam Wilson
John Fante
James Joyce
l'ensemble de l'oeuvre de Hergé
All of Hergé's work
L'art des bruits de Luigi Russolo
The Art of Noise by Luigi Russolo
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Musique :
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Brian Eno
The Portsmouth sinfonia
Déficit des Années Antérieures
Kraftwerk
Pierre Bastien
Sonic Youth
Rolf Julius
Ohayo ! HoaHio ! (coup de coeur)
Cornelius Cardew
John Zorn
Hoffnung
Eric Satie
Cypress Hill
Arthur Honegger
Electrelane
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repères artistiques
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Jeremy Deller J. M Armleder François Morellet René Block Francis Picabia Luigi Russolo Robert Indiana Gustav Gustavovich Klutsis Peter Stämpfli Martin Kippenberger Murray Favro Rolf Julius | |
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